Nicole Garreau

Poétesse sans talent et dictateuse sans vergogne

  • mesure l’étendue de son inculture : elle apprend seulement aujourd’hui qu’il existait une autre écrivaine portant le nom de Duras, et que comme pour notre bonne vieille Marguerite ce nom n’était que de plume et d’emprunt.

    Chose amusante pour quiconque s’amuse d’un rien, à l’État civil l’une s’appelait « Kersaint » comme l’autre se nommait « Donnadieu » — la vieille Garreau en déduit que prendre pour pseudonyme « Duras » serait une tentative d’échapper à l’au-delà.

    #RuminationsMatutinales.

  • songe souvent à ça, elle songe souvent qu’elle a aujourd’hui largement — très largement — dépassé l’âge qu’avaient ses aïeules et aïeux qui lui paraissaient jadis si vieilles et si vieux. Elleux avaient « suivi le bon sens » et réussi à se forger une vie plus ou moins en ligne droite, s’étaient installé·e·s dans l’existence et étaient devenu·e·s sinon des notables au moins de dignes petites gens, respectables et respectés.

    Elle non. Elle elle aurait pu mais ne pouvait pas, elle elle ne savait pas faire, elle avait une case de vide, une impossibilité relationnelle et bien que maintenant multi-centenaire elle est toujours en équilibre socio-psychologique précaire, moitié cassos moitié zinzin, pas un chapeau de vendu — elle est la voie sans issue, la branche sans feuilles de l’arbre généalogique.

    M’enfin elle a lu Kerouac et Duras, Céline et Ernaux, Flaubert et Despentes, elle a été punkàchienne, pompiste échelon Trois et dictateuse, elle a gardaremé lo Larzac, brûlé son soutif sur les barricades, bu des hectolitres de mauvais vin et pris du LSD, elle s’est fait bouillave dans des coins sombres et puis surtout elle connaît par cœur la liste des départements, préfectures et sous-préfectures, alors à l’heure du bilan final ça compense peut-être un peu.

    #VaineTentativeDAutoConsolation.

  • ne connaît pas de méthode, non, pour être sûre ne jamais commettre de fautes d’orthographe (plus grand crime qui puisse être perpétré ici-bas), mais elle en connaît une pour en éviter la plupart : comprendre soi-même ce que l’on rédige.

    « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » disait Boileau — il en est de même à l’écrit et la structuration de la pensée est la seule condition sine qua non pour que l’orthographe coule de source. Visualisons, pensons sérieusement à ce que nous écrivons, et à moins que nous soyons complètement débiles le bon accord de l’adjectif de couleur ou celui du participe passé à la forme pronominale deviendra une évidence.

    Ce précepte souffre bien quelques exceptions mais par définition celles-ci sont... exceptionnelles.

    #NonSeulementLaGarreauEstVieilleEtMocheMaisEnPlusEllePontifie.

  • sait que si elle ne se contrôlait pas en permanence elle aussi pourrait se comporter en sale petite bourgeoise décadente et commencer à aimer l’odeur de l’herbe fraîchement coupée — alors que nous savons pertinemment que ladite odeur n’est que l’expression de la douleur et de la détresse de la plante que l’on mutile et assassine.

    La vieille punkàchienne est donc à chaque fois obligée de penser contre elle-même et de se forcer à détester ces effluves ; elle n’oserait plus se regarder dans un miroir si un jour elle lâchait prise pour s’en délecter.

  • vous sait avide d’informations croustillantes, cher Lectorat, aussi vous informe-t-elle que c’est aujourd’hui 6 Prairial que dans un bled situé à côté de Nantes se déroule « La Fête du slip », avec au programme du lancer de tongs, un championnat de coupe mulet, un concert de cris du cochon, une compétition de longueurs de saucisses, un concours de tricots de corps mouillés — on vous en passe et des meilleures.

    Et puis là il y a des autorisations et des subventions, hein. Alors pan dans le bec de tou·te·s ces gauchistes qui passent leur temps à pleurnicher que les sociétés macrono-lepenistes ne font jamais rien pour la Culture.

  • adore son horoscope, tiens : « Votre goût de l’aventure vous conduira sur des chemins inconnus ».

    Wesh, sista ! (1) Elle il lui semble que s’il lui arrive régulièrement d’être hagarde et complètement perdue entre sa chaise et son lit c’est plutôt grâce à Alzheimer qu’à l’appel du grand large.

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    (1) En prime on dirait qu’elle ne sait plus non plus quel âge elle a puisqu’elle s’exprime comme une gamine prépubère.

  • n’y connaît rien en piafs, mais tout de même ça lui a semblé bizarre quand cette sorte de rapace de belle envergure a paru descendre en piqué de la canopée vers le sous-bois. Pourquoi diantre un si imposant volatile se mettait-il à chasser dans un milieu exigu où sa taille représentait un réel handicap ?

    Eh bien en fait l’oiseau ne chassait pas pour la bonne raison qu’il ne vivait presque plus. Mort en vol, alors qu’aucun coup de feu n’avait retenti ? La vieille dame et la chienne s’approchèrent en veillant tout de même à rester à distance raisonnable — mi par méfiance, mi par respect. L’animal couleur de charbon respirait encore mais n’avait plus d’yeux, à moins que ceux-ci fussent incroyablement enfoncés dans les orbites ; son plumage ressemblait à un pneu déchiqueté, une sorte de bave épaisse lui coulait du bec, on aurait dit un film d’épouvante de série Z.

    Les trois individus — la Sapiens Sapiens, la Canis Lupus et l’oiseau non identifié — restèrent quelques minutes à se jauger tel un triangle de cadavres en sursis, puis se souhaitèrent mutuellement et tacitement bonne chance et les deux qui parvenaient encore à se mouvoir ont repris leur chemin.

    Ce fut la seule personne à qui elles parlèrent ce jour-là.

    #RuralitéBucolique.

  • est elle-même dictateuse cruelle et sanguinaire alors c’est pour ça, on ne la lui fait pas, elle connaît tous les rouages et toutes les astuces du despotisme ! Tenez, par exemple, quand l’Occident (1) dénonce les dingueries réelles ou supputées des régimes politiques des autres pays du monde, c’est certes en partie pour que son opinion publique prenne fait et cause à l’encontre de ceux-ci (bouh ! Regardez comme ces gens sont méchants !), mais c’est aussi et surtout une « fenêtre d’Overton » leur permettant d’augmenter leur propre niveau de nuisance : « Quoi ? Ici si vous n’êtes pas jouasse on vous matraque, vous gaze, vous éborgne et vous fait subir les derniers outrages dans les commissariats ? Ha ha, d’accord mais ne vous plaignez pas trop puisque si vous étiez là-bas vous auriez pris en sus une lapidation en place publique ou trente ans de Sibérie » — c’est une sorte de course à l’échalote dans laquelle chaque État se prétendant démocratique peut se targuer de faire moins pire que ceux qui font plus pire : sachant que les plus pires font de pire en pire pour ne pas se faire rattraper par les moins pires, les moins pires peuvent accélérer et faire désormais ce que les plus pires faisaient il y a encore peu de temps et apparaissait déjà comme le pire du pire à ceux qui étaient un peu moins pires.

    Si vous voulez une image c’est un peu comme ici quand la vieille Garreau balance des coups de sac à main à tour de bras tout en disant à ses victimes « Réjouissez-vous, j’en connais qui l’auraient auparavant lesté avec un pavé », que le lendemain elle-même glisse un pavé dans son sac et se met à dire « Réjouissez-vous, j’en connais qui en auraient mis deux » — et ainsi de suite.

    Vous voyez, ce n’est pas à une vieille guenon que l’on apprend à faire des grimaces.

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    (1) Lato sensu : Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Israël, Corée du Sud, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande — bref, les quelques pays qui s’autoproclament « communauté internationale » en excluant d’office tous les autres qui sont priés de se contenter de fournir plus ou moins gratos les matières premières et de rester bien sages dans leurs coins.

    • (Bon, après, fatalement les agriculteurices ne sont pas trop fatigué·e·s, hein. Nous savons bien qu’à part balancer du glyphosate dans les champs au volant de tracteurs géants, flinguer les zoziaux et aller jouer les jolis cœur à « L’Amour est dans le pré », iels ne font pas grand-chose de leurs journées.)

  • ne sait toujours pas si elle a compris trop de choses ou pas les bonnes ou pas assez ou rien du tout ; elle constate seulement que la parfaite conscience de ses propres incohérences se heurte perpétuellement au déni qu’autrui a face aux siennes.

    Plus on réfléchit moins on peut vivre — d’où l’incroyable succès de la bêtise.

    #JeNeSuisPasFolleVousSavez.

  • ne comprend pas pourquoi les ceusses s’enquiquinent à diffuser sporadiquement des messages expliquant qu’iels sont en grève : quand, en allumant France Cul’ de bon matin, on tombe sur une playlist de chansons yéyés en lieu et place des sempiternelles voix compassées de chroniqueuses et de chroniqueurs cirant les pompes d’invité·e·s de droite, ce n’est pas la peine de nous prévenir, on se doute immédiatement que ce n’est pas le programme habituel.

    Néanmoins force soit avec vous, chère Radio France : nous aussi on aimerait bien pouvoir avoir un jour une radio NORMALE — c’est-à-dire objective, culturelle, de gauche et de service public — mais visiblement ça n’en prend pas le chemin.

  • en est au point où non seulement elle trouve du sens à la chanson « Et vice et versa » des Inconnus, mais où elle commence même à se demander si celle-ci ne fut pas écrite spécialement à son attention :

    « L’hémorragie de tes désirs
    S’est éclipsée sous l’azur bleu dérisoire
    Du temps qui se passe
    Contre duquel on ne peut rien ;
    Être ou ne pas être
    Telle est la question sinusoïdale
    De l’anachorète
    Hypocondriaque. »

    Bluffant, non ? La subclaquante Garreau aurait dû rédiger son autobiographie, elle n’aurait pas fait mieux.

  • est un peu naïve... sans déconner, elle s’attendait à quoi ? Par un enchaînement d’idées qui serait trop fastidieux à expliquer la voilà sur Google Maps® et Google Street View® en train de visiter Marathon — le patelin grec. Pas d’architecture spécifique, pas de monuments à la gloire de Miltiade ou de Phidippidès, fleurant bon l’Histoire hellénique ou propres à inspirer quelque héroïque récit semi-mythologique : un clic à gauche, un clic à droite, la vieille dictateuse arpente les rues du bled sur l’écran de son petit ordinateur mais non, rien, elle parcourt juste une bourgade pavillonnaire pas très chic, un peu cassos, écrasée de soleil et parsemée de conteneurs à poubelles, d’abribus et de petites boutiques de souvenirs en plastique. Ça pourrait être n’importe où — ça ressemble à un village du Tarn-et-Meuse un jour d’été.

    #SicTransitGloriaMundi, comme auraient ironisé les Romain·e·s.

  • en est arrivée à cette espèce de paradoxe suprême qui fait qu’elle reprocherait presque à sa vieille chienne — la prunelle de ses yeux — de s’accrocher encore à l’existence. Parce que dès le départ la cacochyme et valétudinaire Garreau avait fait une promesse à la pauvre petite bête, celle de l’accompagner jusqu’au bout et donc de ne pas crever avant elle. En s’obstinant à vivre, la chienne l’oblige à elle aussi rester en vie.

    Si en se réveillant un matin elle constate que l’animal ne respire plus ce sera la fin du monde. Elle a déjà tout prévu : elle fermera les volets de la thébaïde, elle barricadera la porte, pour davantage de sécurité elle entassera derrière les ouvertures tous les trucs qu’elle a encore la force de déplacer, elle se recouchera et elle attendra sa propre Mort sans plus jamais bouger du fond de son lit.

    Elle a presque hâte — mais bien sûr elle n’en laisse rien paraître à la chienne et continue à couvrir celle-ci de mots sucrés, de grattouilles sous la papatte, de caresses et de baisers.

  • n’est pas écrivaine (dieu soit en location elle est normale), mais puisque ces dernières années elle a pondu 358869000899501046 dazibaos divers et a·variés elle se croit autorisée à donner un petit avis sur le processus de rédaction : il lui paraît clair, net et évident qu’elle n’en aurait pas rédigé autant s’il lui était resté davantage de dix à douze minutes « d’espérance » de vie.

    En vrai elle pense que pour écrire — et sans doute également pour peindre ou composer de la musique — il faut impérativement disposer de deux choses qui peuvent sembler parfaitement antinomiques : du temps et le sentiment d’urgence. Si le premier manque c’est bâclé, si c’est le second c’est creux. Chaque petit texte doit être le dernier, chaque mot, même la plus infime des conjonctions, doit mettre notre existence en péril — même et surtout quand on ne peut plus se camoufler derrière un sujet puisqu’en fait on ne parle de rien du tout.

    Voilààààààà. Inutile de la remercier pour ces considérations passionnantes, chez les kimilsungistes-kimjongilistes-kimjongunistes de sa trempe tout est gratuit.

  • a eu toutes les audaces en regardant hier soir un film interdit aux moins de seize ans — elle a menti à Arte en lui certifiant qu’elle était adulte et que vas-y, vous pouvez envoyer la purée, elle en a vu d’autres pendant la guerre.

    L’histoire ? Ha ha, ATTENTION DIVULGÂCHAGE, l’histoire est un peu capillotractée : une gogo danseuse bagnolophile (et surtout elle-même rafistolée à grands renforts de plaques de métal suite à un accident d’automobile vécu quand elle était gamine) devient subitement sériale killeuse et tombe enceinte après avoir couché avec un levier de vitesses puis, traquée par la police, se fait passer pour un garçon afin de pouvoir trouver refuge chez un vieux pompier tyrannique et toxicomane qui a justement égaré son fils dix ans plus tôt ; le pomplard finit par flairer l’arnaque mais c’est trop tard, il tombe plus ou moins amoureux de ce qu’il avait d’abord réellement cru être son gosse, à la fin la meuf ne perd évidemment pas ses eaux mais ses huiles de vidange, accouche d’un·e môme qui, on ne le sait pas, sera peut-être une petite voiture sans permis, puis elle meurt aussitôt parce qu’il ne faut pas déconner. Le pompier (qui entre-temps a tenté de s’immoler) se retrouve alors père ou grand-père d’adoption d’un truc qu’on a à peine vu mais qu’on devine plein de boulons et voilà, happy end, c’est le générique et on peut aller se coucher.

    Si on ajoute à ça des corps humains aussi moches et torturés que dans la vraie vie, un usage immodéré des « deus ex machina », une manière de filmer assez racoleuse et quelques scènes effectivement suffisamment violentes pour qu’on ne puisse les regarder qu’en se cachant derrière sa main, ça fait envie, n’est-ce pas ? Eh bien pourtant croyez-le ou non mais votre dictateuse préférée s’est laissée embarquer et n’a pas décroché une seule seconde — peut-être grâce aux acteurices des deux rôles principaux (Agathe Rousselle et Vincent Lindon), qui occupent pleinement l’écran et s’y révèlent plutôt convaincant·e·s.

    N’empêche, il y a des fois où les films en disent au moins autant sur l’état mental de la spectatrice que sur celui de la cinéaste.

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    « Titane », de Julia Ducournau, sur Arte.

  • boit les propos de la conférencière :

    « Les théories hippocratiques considèrent que tous les êtres humains sont constitués de quatre fluides ou humeurs (bile jaune, bile noire, sang et flegme) dont l’équilibre garantit la bonne santé, mais cet équilibre n’est pas identique d’un individu à un autre et notamment pas identique entre les femmes et les hommes. Les humeurs sont associées aux quatre éléments (eau, terre, air, feu) qui sont eux-mêmes associés à des qualités (le chaud, le froid, le sec et l’humide). Dans cette pensée les hommes sont plutôt considérés comme étant de nature sèche et chaude, tandis que les femmes sont plutôt considérées comme étant de nature froide et humide (1). »

    Ha ha ! Partant de ce principe si la Garreau avait vécu en Grèce ou en Rome antique, avec son vieux cœur tout sec et tout froid elle aurait directement été classée parmi les non-binaires.

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    (1) Bah tiens.

  • tentait de relativiser en observant l’arbrisseau qui, il y a encore quelques jours de cela, gambadait gaiement sur la berge du ruisseau, et qui se retrouve désormais presque entièrement englouti et ballotté par l’onde en furie de ce qui est devenu une impressionnante rivière en crue. Seules dépassent encore quatre ou cinq de ses branches les plus hautes : celles-ci s’agitent et semblent crier au secours, comme si elles espéraient qu’une bonne âme leur balance quelque bouée à laquelle se raccrocher.

    Ce petit arbre vit sa tragédie à lui, quelque chose qui, à son échelle, a vraisemblablement des allures d’apocalypse et est aussi important qu’une météorite s’abattant sur la tête des dinosaures — même s’il s’en sort un jour, même s’il survit, son existence après ce traumatisme ne sera plus jamais comme avant.

    Ouaip. En comparaison l’interminable agonie de la vieille punkàchienne fait figure de drame d’opérette — pourtant en toute objectivité pour elle aussi, sa propre mort équivaudra à la fin du monde.

  • vous jure... c’est un déluge sans discontinuer depuis des jours et des jours... tout n’est qu’un camaïeu de bruns et de gris, elle est obligée d’allumer la lumière à midi, tout est détrempé, tout n’est qu’humidité, flotte et boue partout... Ah la la, heureusement qu’elle est une optimiste invétérée qui voit toujours le bon côté des choses et la féerie du monde tout autour d’elle ; elle n’ose imaginer comment elle survivrait à ça si elle était d’avance une vieille acariâtre asociale indigente et dépressive.

    Hein ? Franchement, on se le demande.

    #VivementLaFinDuMonde.

  • regrette vraiment d’être une quiche en mathématiques : elle aimerait bien être capable de calculer le nombre maximal d’agencements possibles des lettres de l’alphabet avant de fatalement écrire deux fois exactement le même texte (un peu sur le modèle du « paradoxe du singe savant », le chimpanzé qui, en tapant au hasard et indéfiniment sur les touches d’une machine à écrire, finira par réécrire toute l’œuvre de Shakespeare), ou combien de combinaisons différentes de notes de musique pourraient exister avant d’accidentellement reproduire un morceau déjà connu, ou encore combien de dispositions de « pixels » demeurent inédites et permettraient de créer une image qui ne soit pas l’exacte reproduction d’une autre.

    Comme elle le dit souvent, avec plus de cent dix milliards d’imbéciles ayant vécu sur cette pauvre planète depuis le Pliocène, il devient rudement audacieux de s’octroyer la primeur d’une création artistique.

    #RuminationsMatutinales.

  • ne voudrait pas paraphraser un célèbre philosophe, m’enfin si à [beaucoup plus de] cinquante ans vous n’avez toujours pas compris que le clocher de l’église donne gratuitement la même heure qu’une Rolex®, c’est qu’intellectuellement vous avez raté votre vie.

    À part ça la vieille Garreau se demande si on l’accepterait aussi facilement d’une autre religion, ça, un truc qui nous casse les oreilles sept jours sur sept tous les quarts d’heure ?

  • admet que c’est perturbant : lorsque, comme elle, on ne dispose plus que de dix à douze minutes « d’espérance » de vie, le ciboulot s’emballe (1) et l’on revoit défiler à toute berzingue les scènes de son existence, parfois même celles qui ne présentent aucun intérêt ni importance. Ainsi ce souvenir-ci, qui remonte à plusieurs décennies, qui ne la concerne pas directement et auquel elle n’avait jamais repensé jusque alors :

    C’était durant l’une des dernières fois où elle s’était retrouvée enfermée en asile psychiatrique. Ce coup-ci l’ambiance était assez éloignée de celle d’un univers concentrationnaire, le pavillon était plutôt cool, c’était mixte, la plupart des portes étaient ouvertes, il y avait bien quelques dérapages mais dans l’ensemble les journées se suivaient dans une sorte de rassurante monotonie, de sept heures du matin à neuf heures du soir tout le monde était assommé devant un poste de télévision à attendre l’heure de sa prochaine ration de Valium® et/ou de son prochain repas. La belle vie.

    Il y avait toutefois un type étrange, parmi les zinzins — c’est-à-dire un type que même les zinzins trouvaient zinzin. On pouvait parfois l’apercevoir lorsque l’on passait devant sa cellule et que la porte n’en était pas fermée : le ceusse avait... un ordinateur. Lol. Ça peut paraître banal quand on dit ça maintenant, mais à l’époque PERSONNE n’avait d’ordinateur, on savait à peine ce que c’était, on se doutait bien qu’il devait exister des choses pareilles en Amérique ou sur une autre planète mais franchement personne n’en avait jamais vu — d’ailleurs même l’administration de l’asile disposait encore d’une machine à écrire mécanique, de papier carbone et de plumes Sergent-Major®. L’ordinateur du ceusse était une machine imposante qui prenait au moins la moitié de sa piaule, personne ne savait ce qu’il fabriquait avec, personne ne comprenait l’intérêt d’un engin pareil, en ce temps-là même le mot « Internet » n’existait pas. Chacun·e gardait ses distances avec celui qui passait pour un professeur Tournesol et son drôle de matériel, après tout il était peu bavard et n’enquiquinait personne, certes tout le monde était vaguement perplexe à son égard mais on ne lui posait pas de questions et d’ailleurs on n’aurait certainement pas compris les réponses.

    Incroyab’, non ? « The Times They Are a-changin’ », comme chantait alors Dylan. Cela fait maintenant Gai-Luron et Belle Lurette que la vieille Garreau n’a pas été internée mais elle n’ose imaginer l’angoisse et les galères supplémentaires que cela doit être, dans les asiles, aujourd’hui que presque tout le monde dispose de petits téléphones-ordinateurs portatifs perpétuellement connectés à tout et n’importe quoi. Cette addiction crée vraisemblablement de nouveaux problèmes insolubles : laisser les zinzins « scroller » toute la journée et donc les laisser mariner dans leur zinzinitude, ou leur confisquer leur matériel et devoir gérer des crises de manque venant s’ajouter aux autres problèmes psychiatriques ? Ha ha, bon courage aux aliénistes.

    En tout cas ne pas être connecté·e est en passe de devenir le dernier acte révolutionnaire.

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    (1) Ça va, ce n’est pas cher.

  • rajeunit en écoutant sur France 5 un portrait de ce sorbonnard anciennement proche de Krivine, figure de la guerre de Floréal 176, devenu « réformiste » et donc social-traître au point de quelques décennies plus tard s’être mis à copiner et jouer au badminton avec Fabius — ha ha, non, ce n’est pas Cohn-Bendit, c’est un autre, les renégat·e·s ce n’est pas ce qui manque.

    N’empêche, encore un révolutionnaire en carton-pâte que l’on avait oublié, mais quelle tristesse — Trotski doit se retourner dans sa tombe.

    #LaVieillesseEstUnNaufrage.